Payal Kapadia

Par delà les océans avec « Afternoon Clouds »

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May 8, 2017

/ By / Kolkata

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Payal Kapadia, étudiante et réalisatrice

Media India Group a eu le privilège d’un tête-à-tête avec la jeune réalisatrice Payal Kapadia, dont le court-métrage « Afternoon Clouds » est le seul film indien présent au Festival de Cannes 2017, dans la sélection de la Cinéfondation.

Seul représentant de l’Inde au 70ème Festival de Cannes 2017, dans la sélection de la Cinéfondation, « Afternoon Clouds » est un court-métrage de 13 minutes, réalisé par une étudiante de troisième année du Film and Television Institute of India (FTII). Pour donner à l’histoire, inspirée de la vie de sa grand-mère, des couleurs naturelles, Payal Kapadia a tourné son film sur pellicule.

Sélectionné à la Cinéfondation, votre court-métrage est le seul film indien présent au Festival de Cannes cette année. Comment vous sentez-vous ?

C’est un honneur d’avoir été sélectionnée à la Cinéfondation, et de participer au Festival de Cannes. C’est un grand privilège pour moi.

Parlez-nous de votre film, de son histoire et de vos inspirations ?

« Afternoon Clouds » raconte l’histoire de deux femmes seules qui partagent un appartement. L’une est une veuve âgée, l’autre, sa jeune employée de maison, qui a immigré du Népal. Le film explore leur situation et leur point de vue sur l’amour et la solitude. Dans la société indienne, il n’est pas facile pour une femme de s’exprimer ouvertement sur les questions d’amour ou de désir. J’ai trouvé intéressant d’explorer ces sentiments dans les gestes et les silences qui se cachent derrière un propos. Ayant grandi dans une famille majoritairement composée de femmes, j’ai voulu m’en inspirer. Je crois que la réalité banale du quotidien génère les meilleures histoires, puisque c’est là que naissent les rêves. Je me suis également inspirée des œuvres de la peintre Arpita Singh et de sa manière de traiter la vulnérabilité et le désir d’un point de vue féminin.

Êtes-vous une réalisatrice de films courts, ou envisagez-vous de passer au long ?

Court et long-métrage sont deux formats totalement différents. Pour moi, le court-métrage s’apparente à de la poésie. Sur une courte durée, toute une histoire et son intrigue doivent être développées. La fin doit être ouverte. C’est comme dans un haïku, dont les trois vers semblent apparemment sans rapport : le tout est plus grand que la sommes des parties. C’est ce genre de cinéma qui m’intéresse. Pour moi, un film repose autant sur la chose montrée que sur son absence. Cette absence permet au spectateur d’y apporter ses propres expériences et de connecter plus personnellement avec le film.

J’aimerais tourner un long métrage après mes études au FTII. C’est un format que je n’ai jamais expérimenté, avec une gestion de la durée toute différente. Notre apprentissage cinématographique reposant principalement sur le visionnage de longs métrages, je suis impatiente de m’y confronter. J’aime bien tester des idées dans des structures narratives temporelles et écliptiques. En Inde, la tradition orale s’articule autour de nombreux mythes et récits qui ne répondent pas aux notions occidentales de chronologie et de temps. Ce sont ces structures narratives qui m’intéressent et que j’entends utiliser dans mes films.

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« Afternoon Clouds » raconte l’histoire de deux femmes seules qui partagent un appartement. L’une est une veuve âgée, l’autre, sa jeune employée de maison

Quelles sont vos inspirations cinématographiques, et comment faites-vous pour que vos films parlent à un public international ?

De nombreux cinéastes m’ont inspirée, pour diverses raisons. Notamment des réalisateurs asiatiques comme Naomi Kawase, Apichatpong Weerasethakul, Ozu, Tsai Ming Liang ou Ritwick Ghatak. D’autres réalisateurs comme Ben Rivers ou Pedro Costa et son « slow cinéma » (genre qui insiste sur les plans-séquences, la contemplation et une narration minimaliste – ndlr), m’inspirent également beaucoup. J’ai découvert les films d’István Szabó pendant mes études au FTII, beaucoup d’entre eux n’étant pas disponibles en numérique. Le FTII dispose d’une collection conséquente de ses films.

Quant à mes films, ils s’inspirent beaucoup d’expériences locales. Je pense qu’en se concentrant sur une situation particulière, on en révèle automatiquement l’universalité au-delà de sa banalité. Je ne sais pas si mes films résonnent à l’international. Pour moi, l’essentiel est d’évoquer, au travers d’expériences vécues, des sentiments qui transcendent les frontières nationales.

Qu’attendez-vous de Cannes ? Votre vie a-t-elle changé après l’annonce de votre sélection ?

Je suis impatiente d’assister au Festival de Cannes. À l’annonce de la sélection, j’ai reçu beaucoup de félicitations et d’encouragements, du FTII comme d’autres. Cette sélection va permettre au film de toucher un plus large public. Je suis très reconnaissante pour ça. J’espère que cela me donnera l’opportunité de faire des films qui me passionnent, même après la fin de mes études au FTII.

Le FTII est l’une des premières écoles de cinéma en Inde. Le FTII fait souvent la une pour ses prises de positions politiques, qu’en pensez-vous ? Vous y associez-vous ?

Toute institution rencontre des problèmes, et le FTII ne fait pas exception. Toutefois, appartenir au FTII aura été l’une des expériences les plus formatrices pour moi. Les enseignants du FTII encouragent leurs étudiants à expérimenter différentes formes cinématographiques, et leur donnent la liberté d’explorer leurs idées au maximum. Des étudiants de tous milieux socio-économiques peuvent y apprendre à faire des films. C’est une opportunité rare, que d’autres écoles de cinéma privées et coûteuses n’offrent pas. Cette diversité contribue également à l’apprentissage.

Comment maintenir un équilibre entre art et politique ? Quels sont vos projets à venir ?

Je ne pense pas que l’art puisse être dissocié de la politique. Délibérés ou non, les choix esthétiques d’un réalisateur reflètent sa perception du monde qui l’entoure. Pour eux, le sens du mot « politique » est beaucoup plus large qu’au sens général. Dans mes films, j’essaye de donner la parole à ceux qui sont rarement représentés dans le cinéma indien. Mes films sont un mélange de réalité, de rêve, de mémoire et d’utopie. À travers ces thématiques et cette esthétique, j’espère développer un certain point de vue.

En ce moment, je travaille sur un documentaire expérimental, un autre projet développé au sein du FTII. Je suis également en train d’écrire un long-métrage, qui n’en est qu’à ses prémices.

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