Il était une fois… en Urdu

Ou comment raconter des histoires dans une des plus vieilles langues de l’Inde

Culture

Littérature

February 23, 2017

/ By / New Delhi

Indes



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C’est l’histoire d’une langue indienne qui a évolué au fil de l’Histoire et des grandes vagues culturelles, inventant des formes narratives qui suscitent de l’admiration, voire de l’amour. L’Urdu (ou « Ourdou »), une des plus vieilles langues du sous-continent, est d’une richesse insoupçonnée.

La naissance de la langue Urdu est une histoire à part. On la décrit parfois comme un hybride du Perse, de l’Arabe, du Pashtoune et du Turc, arrivée en Inde avec des armées de conquérants qui l’utilisaient pour mieux communiquer entre eux.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là car l’Urdu parlé en Inde a beaucoup évolué au fil du temps et des influences. On y trouve ainsi des traces de Portugais, d’Anglais mais aussi de Néerlandais et de Français. La grammaire de l’Urdu est, elle, fortement marquée par celle du Farsi.

Mais, à mesure qu’elle s’est développée et a été adoptée en Inde, la langue Urdu a été supplantée par l’Hindi, avec lequel elle partage des origines communes et auquel elle emprunte bien des mots.

Au début avant tout une langue pratique de communication, l’Urdu, à mesure des évolutions historiques et culturelles, est aussi devenue une langue littéraire, l’une des préférées des conteurs d’histoires et de légendes, qui goûtent en particulier ses multiples influences poétiques, empruntées notamment au Perse et au Turc.

De mélodieuses sagas

La littérature trouve souvent sa source dans la poésie et l’Urdu n’échappe pas à la règle, même si dans cette langue la prose est souvent aussi rythmée que la poésie.

« En Urdu, le « Fasana », littéralement un ‘conte fantastique’, est une forme pré-moderne de narration. Il se distingue de l’« Afsana », une ‘nouvelle’ qu’on peut rapprocher en partie des romans modernes », explique Rakshanda Jalil, une écrivaine et historienne de la littérature, à propos de ces formes particulières de narration, qu’elle s’efforce de faire perdurer de nos jours, notamment dans leur forme traditionnelle, souvent négligée. « Mais le « Fasana » est plutôt une histoire qui naît d’une autre histoire, comme dans un cycle narratif, pourtant très différent des histoires modernes, avec un début, un milieu et une fin », ajoute-t-elle.

Rakshanda Jalil éclaire également le concept de « Daastan », un format long de narration, liant plusieurs anecdotes entre elles. Cette structure reste d’actualité et est employée par des romanciers modernes.

Au-delà de la structure complexe du récit, ce qui rend la narration en Urdu singulière est sa forme poétique, évidente même dans les histoires au long cours.

Les connaisseurs de la poésie Urdu apprécient sa richesse de motifs : sagas d’amour, guerrières, empreintes d’humour, d’érotisme, d’angoisse, ou de  protestation etc…dans des mots brillants, aux sonorités mélodieuses. On connaît cette poésie et cette littérature Urdu bien sûr pour ces histoires d’amour complexes et ses romances délicates mais c’est loin d’être le seul thème de cet univers à l’espace infini.

La poésie Urdu s’est modelée sur la poésie perse, dont certains mots se sont facilement coulés dans les récitatifs.

« Cette langue est bien celle d’une culture mixte, née des sources variées et personne ne peut les séparer », résume Azhar Iqbal, secrétaire de la fondation « Harafkaar ».

Lui même poète, il évoque la fameuse pratique de la « mushayara », cette réunion de poètes où l’on discute de « ghazal » et « nazm » : « Un ‘ghazal’, souvent chanté, comprend cinq couplets de deux lignes, appelés ‘sher’, alors qu’un ‘nazm’ est un long poème de 10 à 20 vers, centré sur la même idée ».

En Inde, les « mushayaras » accueillent traditionnellement les amateurs de poésie et littérature Urdu. Mais ce cercle s’élargit. Grâce aux efforts de personnalités comme Rakshanda Jalil, ces sortes de « poésies – slams » attirent les amoureux d’art et de rimes, qui malgré leurs connaissances limitées de la langue Urdu ne manquent pas d’être touchés par ces histoires merveilleuses.

(Traduit par Jaspreet Kaur SANGA)

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