Revue du livre « 1,2 milliard », de Mahesh Rao

Littérature

September 25, 2017

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Indes

septembre-octobre 2017



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Titre : « 1,2 milliard »

Titre : « 1,2 milliard »

1,2 milliard de voix ou treize petits moments de grâce qui disent tout de l’Inde contemporaine.

Terre aride, soleil de plomb, visage émacié et corps noueux… Upkaar ne rêve plus de rien depuis que Kamal est partie à la suite d’une fausse couche. Mais après des années, la voilà de retour au village pour parler de Dieu…

La jeune fille déteste la nouvelle conquête de son père, Piggy Snout alias Groin de Cochon… Là voilà qui débarque à son tour dans le club select de Delhi autrefois réservé à la jeune fille gâtée. Et puis, il y a ce gamin insupportable qui la suit partout et réclame aussi de l’affection… Jusqu’au jour où…

Pourquoi interdire cet alphabet imagé ? La lettre « zoi » illustrée par le mot « zoi se zalim » qui veut dire « tyran ou brute » est représentée par un homme avec un bâton. Mais ce vêtement, ce morceau de bambou et l’exubérante moustache du dessin pour enfants pourraient-ils faire penser à certains fonctionnaires de la police locale ? La question est sérieuse dans cette vallée où les jeunes esprits ont tendance à se rebeller si facilement. Farooq refuse de renoncer à son livre… Après tout, les mots, c’est tout ce qui lui reste depuis la disparition de ces quatre robustes grands frères. Alors, il a un plan…

Voix multiples

Voici treize nouvelles pour 1,2 milliard de voix, c’est à dire autant (ou presque) que le nombre d’habitants en Inde.

Treize nouvelles qui permettent à Mahesh Rao d’explorer la société indienne et la complexité d’un pays contrasté et fragile dont la diversité oscille sans cesse entre traditions et modernité.

Treize nouvelles qui font éclater toutes les représentations réductrices de ce pays continent. D’un récit à l’autre, nous voilà ainsi transportés dans un camp de réfugiés où les pires ennemis ne sont pas toujours ceux auxquels on pense; dans la moiteur d’une plantation de thé où le temps semble figé; dans l’appartement confiné d’une petite ville de province qui mène à la folie; à la table d’un restaurant branché des bords de mer, en passant par un charnier oublié au Rajasthan. Les personnages se succèdent: de l’ancien acteur de Bollywood devenu professeur, à la gestionnaire d’un centre de yoga en proie à un contrôle inopiné des autorités, en passant par cette grand-mère rongée par le passé ou cet homme, séducteur invétéré, qui se laisse surprendre.

Treize nouvelles qui sondent les rapports de classes et les conventions sociales d’une société en pleine évolution ; qui interrogent les relations familiales et la solitude des individus; qui scrutent les plaies, les rancœurs, les grâces et les rêves d’individus face à leur destin.

Style unique

« 1,2 milliard », c’est aussi l’occasion pour un public francophone de découvrir Mahesh Rao, traduit pour la première fois en français. L’auteur indien est né à Nairobi, au Kenya, avant de poursuivre des études de droit et de sciences politiques et économiques en Grande Bretagne. Durant sa jeune carrière, il a travaillé comme avocat, chercheur et même libraire. Il est aujourd’hui installé à Mysore, dans le Sud de l’Inde et se consacre entièrement à l’écriture. Son premier ouvrage, The Smoke Is Rising, a remporté le « Tata First Book Award » de la fiction. Ce dernier n’est pas encore traduit en français mais le talent littéraire exprimé dans son recueil de nouvelles devrait y contribuer. Car, à n’en pas douter, Mahesh Rao fait partie de cette nouvelle génération d’auteurs indiens talentueux qui s’amuse à casser les codes de la littérature indienne classique. Qu’il s’exprime dans le registre de la satire, du tragique, du réalisme ou de l’humour, l’auteur se distingue dans l’art d’emporter en quelques mots son lecteur dans des univers extrêmement différents. La justesse du ton et les descriptions par touches de sensations transportent le lecteur dans des univers inquiétants, désespérants, corrosifs, insolites ou drôles. L’auteur excelle dans ses chutes, imprévisibles et souvent féroces, en forme de couperet.


Titre : « 1,2 milliard »

Auteur : Mahesh Rao Traduction de Christine Raguet

Editeur : Editions Zoé, collection Ecrits d’ailleurs

Pages : 272 pages

Prix : 21 euros

 

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