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July 19, 2017

/ By / New Delhi

Indes

JUILLET-AOUT 2017



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Planche de la BD « Brown Paperbag »

La jeunesse indienne lit aujourd’hui ses bandes dessinées sur Internet et préfère des sujets sociaux, politiques, ou plus proche de sa réalité quotidienne.

Pour les « millenials », la génération Y de l’Inde, les bandes dessinées (BD) de leur enfance étaient le plus souvent des histoires d’animaux, de super-héros ou de gens ordinaires, toutes ayant des velléités pédagogiques et se terminant par une morale. Plus populaires encore étaient les épopées mythologiques hindoues telles que le « Ramayana » ou le « Mahabharata », plus prisés des parents désireux d’inculquer les valeurs culturelles indiennes à leur progéniture, que des enfants qui y voyaient là le sempiternel cadeau d’anniversaire tant redouté.

Tout ça c’est du passé ! Aujourd’hui, les bandes dessinées indiennes ont évolué, devenant de véritables œuvres d’art, un moyen d’expression, de critique, ou même de protestations. Drôles ou sérieuses, satiriques ou irrévérencieuses, ces BD sont plus que jamais ancrées dans la réalité sociale, culturelle et politique de l’Inde actuelle. Et elles sont diffusées en ligne, notamment sur les médias sociaux comme Facebook, Twitter ou Instagram, d’où l’appellation « webcomics ».

« J’ai lu ‘Crocodile in Water, Tiger on Land’ (ndlr : équivalent bengali de l’expression « être pris entre le marteau et l’enclume »), et je trouve leurs épisodes très satiriques. Dans la plupart d’entre eux, il s’agit de souligner, avec l’humour et, bien sûr, un œil très critique, combien les politiques indiens au pouvoir ne font pas leur travail. J’apprécie également qu’ils abordent certains problèmes politiques très pertinents comme le lynchage des musulmans au nom de la protection des vaches, ou bien les effets de la démonétisation sur le grand public », témoigne Keshav Gupta, âgée de 23 ans, et résidant dans la capitale indienne, New Delhi.

Si certains critiquent la politique, d’autres créateurs font part de leur exaspération face au cinéma indien, notamment Bollywood, dont les intrigues sont de plus en plus dégradantes. « The Vigil Idiot » fait la critique désopilante de presque toutes les sorties. Le film « Befikre » (d’Aditya Chopra – 2016). par exemple, apprécié hors des frontières indiennes mais hué par le public indien, surtout les « millenials », qui se sont indignés de cette représentation erronée de la jeunesse. « Comment peut-on commettre tant de délits dans un pays étranger sans être jamais expulsé ? Franchement, ‘The Vigil Idiot’, a fait une critique impartiale du film, il faut absolument la lire ! », explique Anurag Jha, étudiant en gestion à Mumbai, au Maharashtra (Ouest).

Bien que le mouvement soit naissant, il propose néanmoins une grande variété de styles artistiques. Si, pour « The Vigil Idiot », il s’agit de bonhommes en bâton, que Vardhan Kondvikar de Goa (Sud-Ouest) trouve « amusants et renforce l’idée de tourner les films en ridicule », « Royal Existentials » pioche dans l’iconographie traditionnelle, les miniatures peintes par exemple, qu’il agrémente de bulles. Son but est de « créer un webcomic politique sur fond d’art et d’images classiques indiennes pour parler de l’angoisse existentielle contemporaine selon un point de vue indien unique ».

Pourtant, son style ne fait pas l’unanimité. « Alors que ses idées et sujets sont intéressants, la répétition de la même image dans une vignette devient vite monotone pour moi », dit Khushboo Singla, étudiante en français à l’Université de New Delhi, qui juge ces sujets socio-politiques trop lourds à son goût, et souvent débordant de scepticisme, qui demande une réflexion plus profonde, ce qu’on n’attend pas vraiment d’une BD.

Pour plaire à un public plus large, peut-être faut-il produire un contenu auquel les jeunes lecteurs peuvent mieux s’identifier. Et, dans cette ligne, « Brown Paperbag » (sac de papier brun) a connu un succès fulgurant grâce à ses représentations vives et colorées de la vie quotidienne d’un jeune Indien ordinaire. « J’aime bien comment ‘Brown Paperbag’ sait être à la fois moderne et pertinent, et le fait qu’il ait gardé le style classique d’une BD. Mais ce que j’apprécie plus particulièrement c’est que les personnages aient une peau ouvertement brune, rendant les personnages plus indiens », continue Khushboo. Pour d’autres, cette BD évoque leur enfance, mais les ramène également à l’absurdité de leur vie quotidienne.

Premier du genre, « Garbage Bin » (poubelle), est écrit en « Hinglish » – mélange courant d’anglais et de hindi – un avantage dans un marché où chacun veut avoir une portée internationale en parlant de problèmes indiens. « Enfant des années 1990, je m’identifie beaucoup à ces deux BD. C’est difficile de s’arrêter de les lire. Leur langue les rend plus drôles et plus personnelles. Vie de famille, hypocrisie des parents ou de la classe-moyenne, dépendance aux téléphones portables, pollution ou même les gens qui pissent dans les rues : tout y est parfaitement représenté », explique Anamika Gupta de New Delhi.

De plus en plus de créateurs se lancent dans l’aventure, autour de toute une variété de sujet. C’est le cas de « Green Humour » qui parle des droits des animaux en Inde. Il semble que l’Inde se soit appropriée cette forme moderne de littérature, et l’engouement ne va aller qu’en augmentant.

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