Promenade architecturale, dans Ahmedabad
Ahmedabad, la principale ville du Gujarat est connue pour sa croissance rapide et son riche patrimoine. Alors qu’elle exhibe ses nouvelles constructions et infrastructures, ses merveilles architecturales, à la fois classiques et contemporaines, n’ont rien perdu de leur charme.
Il y a bien longtemps au 15ème siècle, alors que le sultan du Gujarat, Ahmed Shah, se reposait près de la rivière Sabarmati au cours d’une partie de chasse, il aperçut un lièvre qui pourchassait un chien et en fut étrangement surpris. Sheikh Ahmed Khattu, un saint Soufi qu’il révérait par-dessus tout, lui indiqua qu’il s’agissait des propriétés uniques des terres alentour qui permettait à une créature aussi timide que le lièvre de chasser un chien – il en conclut qu’il serait sage de bâtir la capitale sur ces mêmes lieux. On dit également que le saint fit la prédiction que la ville serait érigée par quatre Ahmed. Parmi ces quatre pratiquants dévoués à l’Islam, se trouvaient le saint lui-même et le roi Ahmed Shah, qui donna son nom à la ville. Construite sur un socle aussi solide, la cité s’épanouit rapidement et démontra une prospérité à l’épreuve du temps. Bien souvent, les villes peu mises en valeur par leur cadre naturel compensent leur manque d’attractivité grâce à leurs civilisations ancestrales. Vieille de plus de 600 ans, Ahmedabad en est un exemple. Dans l’Inde moderne, elle s’impose comme un centre économique et industriel.
L’ancienne capitale du Gujarat, connue comme étant le fief de Gandhi et le foyer du Premier ministre actuel Narendra Modi, a également su forger sa réputation à travers une longue liste de commerçants prospères, mais aussi grâce à son industrie textile florissante, ses nombreux festivals et sa cuisine unique. Les habitants d’Ahmedabad sont par ailleurs réputés pour leurs goûts esthétiques raffinés. Décors d’intérieur élégants, tenues gracieuses en khadi ou coton naturel – les habitants de la ville font partout preuve d’un charme nonchaland. Les fameux instituts de design de la ville tels que le National Institute of Design (NID) et le Centre for Environmental Planning and Technology (CEPT) ont contribué à mettre l’accent sur le développement artistique de la région. Bien qu’Ahmedabad se classe cinquième au rang des plus grandes villes de l’Inde, il est également possible d’y apprécier des coins plus secrets et à l’écart du tumulte, un luxe rare dans les métropoles de cette envergure.
Assemblage architectural et paysage urbain
A l’image des autres villes dirigées par des rois musulmans, Ahmedabad est un ensemble de mosquées et de tombes. L’architecture anglo-indienne, assemblage de l’artisanat hindou et de l’architecture persane du temps d’Ahmed Shah de ses successeurs, transparaît dans ses structures. La Jamma Masjid, érigée par Ahmed Shah en 1424, est l’une des plus anciennes mosquées situées dans la vieille ville. Il s’agissait de toute évidence de la plus grande mosquée du sous-continent au moment de sa construction. La salle des prières consiste en une multitude de dômes au travail complexe, soutenus par plus de 250 colonnes. La mosquée était initialement destinée à être un lieu de recueillement privé pour les sultans de l’époque, d’où sa taille et ses ornements. La mosquée de Sidi Saiyyed, située non loin de la Jamma Masjid, est un autre lieu d’importance construit en 1573 par le dernier sultan d’Ahmedabad, vaincu par la suite par le roi moghol Akbar. Les structures en pierre taillée, localement appelées jalis, constituent les fenêtres de la mosquée. L’impact de ces jalis est tel qu’elles sont rapidement devenues un symbole d’Ahmedabad, servant ainsi d’emblème au fameux institut de management de la ville, l’Indian Institute of Management.
Un excellent exemple de l’architecture anglo-indienne est Sakhej Roza, situé 7 km au sud-ouest d’Ahmedabad, bâti à la mémoire du saint Soufi Sheikh Ahmed Khattu durant la dernière moitié du 15e siècle. Le complexe, édifié sous les règnes successifs de trois rois, comporte de nombreuses structures telles que les tombes du roi et de la reine, le mausolée du saint et une mosquée. L’architecte Le Corbusier l’a appelée l’Acropole d’Ahmedabad, en comparaison à la citadelle d’Athènes. Cela dit, ce ne sont pas seulement les structures historiques qui définissent le travail des rois d’antan. Kankaria, un lac artificiel construit en 1451 par le sultan Qutbuddin, est le plus grand lac d’Ahmedabad. Il est aujourd’hui entouré d’attractions tels que le zoo, le train miniature, le parc pour enfants, le parc aquatique et les stands alimentaires.
Au 18e siècle, lorsque les fréquents soulèvements communautaristes nécessitèrent une sécurité accrue, des regroupements d’habitations ou pols se constituèrent dans les vieilles ruelles étroites d’Ahmedabad pour se protéger contre la répression. Une série de maisons connectées les unes aux autres et appartenant à des membres d’une même communauté ou caste, furent mises en place avec tout le nécessaire à l’intérieur. L’utilisation de mortier en chaux et en bois les a dotées d’une fondation solide, à l’épreuve des tremblements de terre. C’est pour cette raison que ces habitations des 18e et 19e siècles restèrent intactes malgré le séisme qui secoua le Gujarat en 2001. Le travail exquis apporté à la façade en bois de ces habitations illustre la grandeur et l’opulence de leurs habitants.
Ahmedabad a connu l’arrivée de l’architecture moderne durant la période suivant l’indépendance. La ville a eu la chance de compter de nombreuses personnalités ayant pris part au mouvement pour l’indépendance. Des familles gujaraties influentes tels que les Sarabhai, fondateurs du groupe des Entreprises Sarabhai, invitèrent Le Corbusier à dessiner les Villas Sarabhai (1951-55) et le Mill Owner’s Association Building (1951). Il fut également sollicité pour le Sanskar Kendra (1954), un musée touchant à l’histoire, l’art, la culture et l’architecture d’Ahmedabad. Le célèbre architecte américain Frank Lloyd Wright a, lui, pris en main le bâtiment administratif de Calico Mills et Calico Dome (1962).
Après avoir assisté Le Corbusier durant quatre ans à Paris,B. V. Doshi, considéré comme une figure clé du développement et de l’évolution de l’architecture indienne, s’est rendu dans la ville en 1955 pour superviser ses projets en Inde. Il a également travaillé en collaboration avec l’architecte américain Louis Kahn sur la construction de l’IIM d’Ahmedabad en 1961. L’oeuvre de Doshi reflète le talent combiné de Le Corbusier et sa compréhension de l’espace, ainsi que la capacité de Louis Kahn à jouer avec les matériaux, les structures et la lumière. Le Centre pour la planification de l’environnement, l’Université de technologie érigé en 1972 et son bureau Sangath en sont une illustration de choix.
Autre architecte éminent en Inde, Charles Correa, connu pour son usage de matériaux de construction traditionnels, a dessiné l’ashram de Gandhi sur les berges de la Sabarmati. Érigé sur les bases de l’ancienne demeure du Mahatma, l’ashram a vu le jour en 1963, et un musée y a été ajouté.
Plus récemment, le projet d’aménagement des berges du fleuve fut initié par Narendra Modi lorsqu’il était encore chef du gouvernement de l’Etat du Gujarat. Au-delà de l’ambition première d’assainir le fleuve et de promouvoir le tourisme, le programme s’est présenté comme une tentative imposante d’accroître l’interaction entre le cours d’eau et la population. Les 10,5 km de rives de la Sabarmati ont été transformés en un véritable espace de détente et de récréation. Exemple d’infrastructure urbaine et de revitalisation, le projet n’a pourtant pas été à l’abri des critiques. Les habitants des bidonvilles, forcés de quitter les berges du fleuve, se sont ainsi retrouvés dans des taudis montés à la va vite dans des camps de réhabilitation. Les experts ont également préféré qualifier ces 10,5 km de “façade” plutôt que d’un exemple tangible de restauration du fleuve. Il n’en reste pas moins que ces quelques kilomètres sont devenus un point de convergence au centre de cette ville divisée du nord au sud par la Sabarmati.
Protection du patrimoine
Les habitants d’Ahmedabad ne se sont pas contentés de bâtir des édifices sur leurs terres. Ils ont également porté une attention toute particulière au patrimoine de la ville. Avec plus de 36 structures protégées par l’ASI (Archeological Survey of India), Ahmedabad compte parmi les trois villes indiennes ayant tenté de s’inscrire au patrimoine mondial de l’UNESCO. En 2000, un circuit de deux heures a été instauré au coeur de la ville par la municipalité et la Fondation pour la conservation et la recherche en faveur de l’architecture traditionnelle urbaine (CRUTA) afin de donner un aperçu historique des environs via ses ruelles et ses habitations.
Le parcours débute à 8h du matin avec une visite du temple de Swamnarayan et se termine avec la Jamma Masjid. Une des principales attractions du circuit sont les “pols”, soit les fameux regroupements de maisons, avec leurs temples privés, leurs larges balcons et leurs passages secrets. Des éléments de l’architecture marathe, moghole, britannique et persane y forment un joyeux mélange. Le pol de Doshivada et ses quatre édifices, chacun offrant un style architectural différent, en est un exemple frappant. Sur les 600 pols d’Ahmedabad, 300 sont d’époque.
Le circuit suscite également l’intérêt de tous ceux portés vers la religion. Les temples installés à l’intérieur des pols sont de petite taille mais regorgent de trésors et de curiosités. Un temple jain vieux de presque 400 ans se dissimule ainsi dans le sous-sol de l’un des pols, à l’abri des attaques du roi moghol Aurangzeb à l’époque où il lança une vaste croisade pour la destruction des temples. Les idoles en marbre de Tirthankaras que l’on peut y voir, ornées de diamants et de rubis purs, furent transférées du site sacré de Palitana à Saurashtra toujours au Gujarat. Le temple Kala Ram, dans le pol Haja Patelni, héberge une idole unique du dieu Ram représenté dans une teinte sombre en position assise. La légende dit que l’idole réapparut d’ellemême après l’indépendance, cent ans après que le prêtre du temple l’eût mise en sécurité durant la période moghole. Une autre attraction du circuit se trouve dans les ruines du dôme de Calico, édifié en 1962 au cours de l’âge d’or du textile à Ahmedabad. La structure, étalée sur 12 mètres de large, fut le siège original de l’établissement administratif des Moulins de Calico. Sous la direction de Gautam Sarabhai, du clan des Sarabhai, le dôme géodésique fût dessiné selon les courbes néo-futuristes de l’architecte américain Buckminster Fuller.
Au fil de ces nombreuses surprises, de l’ancienne bourse d’Ahmedabad, érigée quelques 95 ans plus tôt, à l’ancienne imprimerie où les visiteurs sont invités à interagir avec le personnel, la marche mène à Manek Chowk. Nommée d’après un saint du 15e siècle, la rue est une artère marchande animée proposant des bijoux et autres produits de détail. A la tombée de la nuit et jusqu’à 1h du matin, Manek Chowk se transforme en un marché fameux pour ses échoppes alimentaires. Attrayante pour les touristes grâce à son amalgame entre modernité et patrimoine historique, dynamisme urbain et tranquillité des allées perdues, Ahmedabad reste également l’une des villes préférées des Indiens pour s’installer et construire une nouvelle vie.
Comment s’y rendre
Par avion: L’aéroport de Sardar Vallabhbhai Patel à Ahmedabad, dessert à la fois les vols domestiques et internationaux au départ et à l’arrivée d’Ahmedabad.
Par train:La gare d’Ahmedabad, connue sous le nom de Gare de Kalupur, est bien connectée avec la majorité des grandes villes indiennes.
En voiture: Ahmedabad est au centre d’un réseau d’autoroutes en bon état, reliant les principales villes du Gujarat et des autres États. Des bus régionaux relient les différents États de l’Inde et proposent des services au départ et à l’arrivée d’Ahmedabad.
Où se loger
La ville offre un large éventail d’hôtels à petits prix, y compris des Bed and Breakfast. On les trouve essentiellement dans la vieille ville, dans des quartiers tels que Kalupur. Mais il existe aussi des hôtels de luxe tels que Hyatt et Marriott.