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November 16, 2015

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Indes

mars-avril 2014



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Les Indiens se préparent à renouveler leur Parlement national. De ces élections, qui se dérouleront en neuf phases, du 7 avril au 12 mai, sortira le prochain Premier ministre. Le scrutin est considéré par les analystes comme crucial : il intervient alors que la société indienne est en pleine mutation et sur fond d’économie en berne.

Morne campagne… Pas de programmes clairs, pas de candidat officiel au poste de Premier ministre du côté du parti du Congrès, au pouvoir depuis bientôt dix ans et, à défaut de joutes oratoires grand style, des bisbilles et des échanges de petites phrases douces-amères entre responsables et militants des partis en lice… L’enjeu est pourtant de taille. Les Indiens sont appelés à renouveler leur Parlement d’où sortira un nouveau chef de gouvernement pour les cinq prochaines années. Car Manmohan Singh l’a annoncé, à 81 ans il cèdera la place, quel que soit le vainqueur. En revanche, contrairement aux attentes des uns et des autres, Rahul Gandhi, le viceprésident du parti du Congrès, n’a pas été adoubé Premier ministre aspirant. Du coup, à quelques semaines seulement du scrutin, le Congrès continue d’étaler au grand jour ses divergences internes, ce qui ne manque pas de l’affaiblir encore davantage. Rahul Gandhi, fer de lance de la jeune génération et héritier naturel de la dynastie Nehru-Gandhi, met en avant des idées qui sont loin de plaire aux caciques du plus vieux parti indien. C’est notamment le cas de la lutte contre la corruption, qui semble tenir à coeur au jeune Gandhi, mais rencontre de fortes résistances auprès de la vieille garde.

A l’autre bout de l’échiquier, Narendra Modi, le candidat intronisé dès l’automne par le Bharatiya Janata Party (BJP, nationaliste hindou), fait la course en tête. Contrairement au Congrès, le BJP avait gommé ses différences en amont de la campagne électorale. Elles étaient pourtant énormes. Elles s’effacent d’autant plus aujourd’hui que Modi, longtemps boycotté par la communauté internationale, est de nouveau en odeur de sainteté auprès des grands de ce monde. La visite que lui a rendu en février Nancy Powell, l’ambassadrice des Etats-Unis en Inde, en est la preuve la plus éclatante. Comme la plupart des Occidentaux, les Américains reprochent à Modi, qui est aussi Chief Minister du Gujarat depuis 12 ans, d’avoir fermé les yeux sur les atrocités commises à l’encontre des musulmans lors des émeutes intercommunautaires au Gujarat, en février 2002. Voire de les avoir encouragées.

Certes, il faut se méfier des sondages, en Inde plus encore qu’ailleurs. Il n’empêche, selon la dernière enquête réalisée par le think-tank américain Pew Research Center, Narendra Modi serait trois fois plus populaire auprès des électeurs que Rahul Gandhi. Pew, qui se targue d’être un institut indépendant, affirme : « Deux-tiers des personnes interrogées pensent que le BJP serait mieux à même de faire face à au moins une demi-douzaine de défis, dont la lutte contre la corruption et celle contre le terrorisme ».

L’émergence d’un « troisième front »

La campagne avait commencé sur un duel entre Rahul Gandhi et Narendra Modi. La montée en puissance des partis régionaux et des petites formations politiques a mis un terme à ce tête-àtête. Regroupés en un « troisième front », ils ont officiellement concrétisé leur alliance – qui relève du mariage de la carpe et du lapin – fin février. Onze partis ont annoncé leur volonté de s’unir afin de faire barrage aux deux ténors que sont le Congrès et le BJP.

Ils affirment être en mesure de combattre la corruption qui ronge le gouvernement actuel, et se posent en garants de la « laïcité » face au BJP, accusé de vouloir imposer l’Hindutva, version musclée de la pratique de l’hindouisme. Aucun programme clair n’a cependant été détaillé pour atteindre l’un ou l’autre objectif…

A défaut de s’imposer comme vainqueurs aux élections, les différents partis de ce fameux « troisième front » ne manqueront pas de jouer les faiseurs de roi le moment venu. Prêts – ou non – à former une coalition avec le parti qui sortira des urnes. Car même si le BJP a le vent en poupe, rien ne dit qu’il remportera la majorité absolue qui lui permettrait de se passer d’alliances avec les petits partis ou les partis régionaux.

Au nombre des empêcheurs de tourner en rond, l’Aam Admi Party (AAP, le parti du citoyen ordinaire), qui a fait une entrée spectaculaire sur la scène politique indienne en faisant un très beau score lors des élections régionales en décembre 2013 à Delhi. L’AAP grignote surtout des voix au parti du Congrès, notamment auprès des couches de la population les plus démunies, en promettant notamment l’eau et l’électricité gratuites. Il tape aussi dans l’élite intellectuelle, séduite par les promesses de bonne gouvernance de son chef Arvind Kejriwal. En revanche, l’AAP a peu de chances de séduire les milieux d’affaires…

Croissance en berne

Car ces élections interviennent au moment où l’économie indienne est au plus bas, ce qui leur donne aussi un relief particulier. La croissance a enregistré un petit 4,7% au dernier trimestre de 2013, bien loin de la vague euphorique d’environ 9% sur laquelle surfait le gouvernement sortant lorsqu’il est arrivé au pouvoir pour un second mandat, en 2009. Deux quinquennats plus tard, le parti du Congrès semble avoir irrémédiablement perdu la bataille de la « success story » de l’économie indienne. Plombées par la crise économique mondiale, mais aussi par la mise en oeuvre de programmes sociaux coûteux et peu efficaces, notamment en raison de la corruption ambiante, les finances de l’Etat sont mal en point. Si le déficit fiscal inquiète les pandits de l’économie, l’inflation galopante éveille la colère des plus défavorisés, voire de la petite classe moyenne.

Ceci explique-t-il cela ? La loi sur la sécurité alimentaire (Food security bill) dont le Congrès voulait faire son cheval de bataille n’a guère été évoquée par les militants du parti au cours de la campagne électorale. Rahul Gandhi préférant répéter ad nauseam que sa priorité est de donner davantage de pouvoirs aux femmes (women empowerment)…. A contrario, Narendra Modi se fait le champion de la réussite économique tous azimuts. Infatiguable, charismatique, le candidat du BJP sillonne le pays en vantant la réussite économique du Gujarat, affirmant qu’il en est l’artisan et promettant de répliquer le modèle à l’échelle de l’Inde tout entière.

Pugnace, il n’hésite plus à s’en prendre personnellement à la dynastie Nerhru-Gandhi, qualifiant Rahul de « petit prince » et allant jusqu’à le traiter, ainsi que sa mère Sonia Gandhi, la présidente du parti du Congrès, de « faux Gandhi ». Modi a aussi su tourner à son avantage les quelques tentatives du Congrès de le ridiculiser. Mani Shankar Aiyar, ancien diplomate et proche des Nehru-Gandhi, avait stigmatisé le candidat du BJP, se moquant de ses origines modestes qui l’avaient conduit à vendre du thé pour aider son père. Loin de réfuter ces allégations, Modi assume à fond ses années de petit « Chaiwallah ». Mieux, il en joue pour tenter de gagner des points auprès des basses castes, qui pourraient voir dans ce « self-made man » un modèle.

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