Les peintures miniatures d’Udaipur

Un art unique menacé d’extinction

Dossier

November 24, 2016

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Indes

novembre-décembre 2016



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L’art de la peinture miniature est une technique ancienne née dans le Nord de l’Inde. Art des rois, les souverains de l’époque y comptaient notamment leurs exploits. Le centre le plus prolifique de ces peintures se situe à Udaipur, dans l’Etat du Rajasthan.

L’œuvre est aussi petite dans son format – 45 cm sur 30 cm – qu’elle est délicate dans son exécution. C’est une miniature récente représentant un défilé royal à dos d’éléphants. Elle vient d’Udaipur, au Rajasthan, dans le Nord de l’Inde, et elle possède tous  le caractéristiques qui ont fait le succès mondial de cet art ancestral des miniatures rajputs, dont les racines remontent au XVIe siècle : sens de la précision, avec des dizaines de personnages tous délicatement caractérisés, sens du détail dans le dentelé du moindre bâtiment, et festival de couleurs chatoyantes, ou dominent tour à tour les teintes claires et les teintes chaudes : rose, ocre, doré, bleu lumineux…

Des peintures murales datant du Moyen-Age illustrant des scènes de danse et de chasse, aux photos numériques imprimées en couleurs, l’homme a toujours archivé l’histoire de son époque à travers des expressions artistiques. Aujourd’hui, les technologies nous font oublier parfois les talents uniques et le travail précis et minutieux des artistes, tels que les peintres de cette délicate miniature

A l’origine, l’art des miniatures était restreint à un cercle fermé d’artistes de cours royales en Inde. Avec le temps et les différentes vagues d’immigration et d’occupation de l’Inde, cet art a évolué, prenant différentes formes. Les écoles moghole, rajput, pahari et du Deccan étaient notamment considérées comme les plus représentatives.

Conter une riche histoire

Les peintures miniatures d’Udaipur, en particulier, présentent des couleurs claires et flamboyantes, donnant vie à chaque recoin de l’œuvre. Elles illustrent la culture et la riche histoire du Rajasthan, mais également le climat aride de la région.

Les thèmes sont variés et les motifs dépendent de la scène représentée. Les chevaux et les éléphants ont ainsi une présence marquée dans les peintures figurant des scènes de guerres. Les artistes décrivent aussi la rude vie dans le désert pendant les périodes de conflits et, bien sûr, dans un tout autre registre, très classique, ils présentent le luxe et l’opulence dans lesquels vivaient les souverains de l’époque, entre le XVIe et le XIXe siècle.

L’art de la peinture miniature est un travail rigoureux pour l’artiste, qui prépare lui-même les pigments de couleurs. Les couleurs d’origine naturelle sont préparées avec des fleurs Palash, le noir se fabrique avec des pierres, et la couleur métallique avec du métal chauffé. Les pigments sont ensuite mélangés pour former une pâte fine.

Les peintures sont principalement réalisées sur papier et parfois sur de l’ivoire ou des tissus. Les pinceaux sont fabriqués avec des poils fins d’écureuils.

Un art digne des rois 

Le royaume d’Udaipur, avec en particulier son fameux palais dont la construction a commencé en 1553, rassemblait les meilleurs artistes de l’Etat du Rajasthan. Mais ce n’est qu’à la fin de la royauté en Inde, avec l’avènement du Raj Britannique en 1858, que l’art de la peinture miniature a vraiment franchi les portes des cours royales et rencontré d’autres traditions artistiques.

« Les chants, les danses, et autres formes d’art constituaient le décorum royal, ainsi que l’art de la peinture miniature. Pour faire étalage de leur pouvoir et de leur influence, les rois rassemblaient des artistes, surtout pendant des festivités religieuses ou culturelles, pour faire réaliser des peintures détaillées de leurs règnes », explique Mandeep Meera Sharma, 28 ans, peintre de miniatures à Udaipur.

Mandeep peint depuis l’âge de dix ans, formé par son père. « A l’époque du Raj Britannique en Inde, les rois offraient des peintures miniatures en cadeau aux Britanniques. C’est ainsi que cet art fut connu des Européens. Après l’Indépendance de l’Inde, le marché de l’art des miniatures s’est épanoui et de plus  en plus d’artistes ont rejoint les écoles », explique-t-il.

La production d’une miniature peut prendre des jours, voire des mois. Les détails sont tellement fins et minutieux, que la peinture s’apparente, dans sa précision, à une véritable photographie.

« Avant de commencer une peinture, nous faisons une recherche approfondie. Par exemple, pour des peintures religieuses, je contacte toujours un expert afin de comprendre parfaitement les représentations et leur complexité.  Ensuite, je commence par une esquisse sur papier que je transfère plus tard sur une toile », ajoute Mandeep.

Des artistes en mal de reconnaissance 

Créer une peinture différente à chaque fois est un défi et exige un esprit créatif et fécond. Si ce ne sont plus les caprices royaux qui commandent une peinture, les artistes contemporains doivent rivaliser d’imagination pour créer quelque chose d’unique. Mandeep, par exemple, s’inspire de l’art moderne et se laisse guider par son imagination dans ses créations. Il estime qu’aujourd’hui les artistes ont plus de liberté de création, même s’il est aussi important de satisfaire les demandes des propriétaires de galeries d’art qui sont, la plupart du temps, les seuls acheteurs directs.

Ces propriétaires de galeries vendent très souvent les peintures sous leur propre nom et les artistes ne reçoivent que rarement leur part de reconnaissance. Cet écosystème fragile ne favorise pas la préservation sur la durée de cet art et de ces traditions.

« Malheureusement, les gens ignorent cet art et il n’y a aucune institution reconnue pour l’apprendre. La plupart des artistes sont illettrés et ne pratiquent l’art que pour gagner leur vie. Il y a également de nombreuses imitations sur le marché… Peu d’artistes se préoccupent d’assurer la pérennité de cet art et si la cela ne change pas, cet art est voué à l’extinction », regrette Mandeep.

Ainsi, la plupart du temps, les artistes restent anonymes et souvent pauvres. Pourtant, les possibilités du développement commercial de l’art de la peinture miniature ne manquent pas et biens des gens, en Inde et ailleurs, s’y intéressent. Le développement d’écoles officielles reconnues et un effort de soutien des pouvoirs publics pourraient contribuer à tirer pleinement profit de ce potentiel, en créant un cadre stable et identifié pour les artistes.

« Notre art a besoin de l’aide du gouvernement pour pouvoir sensibiliser les gens. Il est primordial de continuer à perpétuer cette tradition et ses techniques ancestrales », résume Mandeep.

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