Le fascinant site de Hampi

Quand les pierres se mettent à parler

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November 24, 2016

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Hampi est l’un des plus extraordinaires sites archéologiques indiens. Dans ce qui aurait abrité un royaume légendaire de l’État du Karnataka (Sud-Ouest), se mêlent mythes hindous, événements historiques et vie paisible des villages environnants.

Un escalier de pierre dont les marches, inégales et peintes en blanc, luisent au soleil couchant, serpente jusqu’au sommet d’une étrange colline rocheuse. Après une ascension fatigante, les fidèles atteignent le petit temple d’Hanuman, le dieu singe de la mythologie hindoue, à l’intérieur duquel un gourou, torse nu et marques colorées sur le front, échange paisiblement avec ses jeunes disciples assis en tailleur.

La vue saisissante appelle, il est vrai, au silence et à la méditation. Au loin, se détachent des montagnes fantastiques constituées de roches roses et ocres, empilées les unes sur les autres, dans un équilibre aléatoire. Le vert sombre des cocotiers et des bananiers contraste avec l’éclat presque fluorescent des rizières et le gris argenté de la rivière Tungabhadra, qui s’écoule en contrebas. Dans ce décor grandiose, le gopuram, la porte surmontée d’une tour ouvragée d’un temple, se détache au milieu de la végétation dense. Il fait partie des innombrables vestiges constituant l’ensemble monumental de Hampi, le royaume légendaire situé dans l’État indien actuel du Karnataka (Sud-Ouest), où se confondent mythes hindous, événements historiques et vie paisible des villages indiens.

Le pays des dieux

Le paysage chaotique, sauvage et somptueux à la fois, stimule l’imagination. Ici, chaque rocher, chaque lieu semble se souvenir d’une légende.

Selon l’une d’elles, cette colline baignée par le vent et dominant la vallée a justement vu naître Hanuman, le dieu-singe intelligent, courageux et fidèle. Avec lui, nous voilà plongés à une époque où l’humanité en était à ses balbutiements, alors que s’étendait le mythique Kishkinda, le royaume des Singes. C’est ici que Hanuman rencontra Rama, l’une des dix incarnations de Vishnu, et son frère Lakshamana, tous deux à la recherche de Sita, enlevée par Ravana, le roi-démon de Lanka (Sri Lanka). Sur un rocher au bord de l’eau, des stries blanches régulières seraient d’ailleurs les traces du voile que Sita aurait laissé tombé pour indiquer la route à ses défenseurs.

C’est au sommet de la plus haute colline d’Hampi, la Matanga Hill, que Rama et le roi-singe Sugriva auraient formé une alliance : Rama promit d’aider Sugriva à retrouver son trône, usurpé par son frère rebelle Vali, et Sugriva, en retour, lança son armée de singes, commandée par Hanuman, à la recherche  de Sita.

Sur son chemin vers le Sri Lanka, la puissante armée de singes laissa choir quelques rochers utilisés pour la construction d’un pont destiné à rejoindre Sita, maintenue prisonnière sur l’île. C’est ainsi que serait né le paysage si fascinant d’Hampi !

L’épopée est retracée dans le poème épique du Ramayana qui constitue, avec la Mahabharata, l’un des écrits fondamentaux  de l’hindouisme.

D’ailleurs, sans qu’on le sache, le royaume des singes est peut-être encore bien vivant à Hampi, tant les singes, ces sortes de lointains « descendants » d’Hanuman, sont nombreux à se promener au milieu des vestiges et  des temples.

C’est aussi dans ce site à la puissance cosmique tutélaire que le dieu Shiva  lui-même serait entré en profonde méditation. Ceci, avant que Parvati, sous le nom de Pampa, ne parvienne à le séduire à force de renoncements et de pénitences et ne le détourne de son détachement spirituel. Le lieu supposé de leur union forme désormais une retenue d’eau, entourée de deux temples, qui constitue l’un des quatre Sarovars, bains d’eau sacrée hindous, reposant aux quatre points cardinaux de l’Inde.

Par extension, l’endroit fut appelé Pampakshetra (la terre de Pampa, nom adopté à ce moment-là par Parvati) et Shiva, Pampapathi (le mari de Pampa). En kannada, la langue du Karnataka, Pampa devint Hampe, puis Hampi. La boucle est bouclée…

Les festivités battent leur plein en cette fin d’année dans le temple de Virupaksha, le lieu de culte le plus important encore en activité à Hampi, car, pendant la pleine lune des mois de novembre et décembre, on fête tous les ans les fiançailles de Shiva et Parvati et, au mois d’avril, leur mariage.

Le premier sanctuaire, consacré à Pampa, fut créé dès le VIIe siècle en contrebas de la colline de Hemakuta. C’est le lieu qu’avait choisi Shiva pour méditer et  l’on peut encore y contempler les vestiges d’une trentaine de temples construits entre le IXe et le XVIe siècle. Les deux impressionnants gopuram de plus de 50 mètres de haut, aux motifs ciselés, se détachent de l’enceinte rectangulaire du temple de Virupaksha. Les pujas, ou rites d’offrandes et de prières hindous, rythment quotidiennement la vie du temple au son des chants et des percussions. Dans une joyeuse bousculade entretenue par les singes, qui ne se privent pas de marauder, les fidèles se pressent pour déposer leurs offrandes fleuries au pied du lingam sacré, symbole abstrait de Shiva, et recevoir en échange le traditionnel tilak, point rouge sur le front. A l’entrée du temple, d’un petit coup de trompe sur le crâne, l’éléphante Lakshmi porte chance aux dévots, en échange de quelques roupies.

Plus loin, on trouve l’étonnant temple sous-terrain de Shiva. Il est étrangement construit à plusieurs mètres sous le niveau du sol, rendant certaines parties, constamment inondées, difficiles d’accès. Des puits de lumière permettent cependant d’admirer les colonnes finement sculptées, même si les chauves-souris, qui ont envahi les lieux, ne facilitent pas la contemplation.

« La cité aux milles temples » regorge de merveilles architecturales comme ces monolithes géants du XVIe siècle représentant l’un Ganesh, le dieu à tête d’éléphant, et l’autre Narasimha, la divinité à tête de lion, à l’image de la quatrième incarnation de Vishnou.

Toutefois, l’édifice le plus spectaculaire et le plus raffiné est certainement le temple de Vitthala. Des animaux mythiques, d’une élégance et d’une richesse incroyable, enlacent les innombrables piliers des
différents mandapas, ces cours extérieures destinées à la prière. Le déambulatoire du mandapa principal est extraordinaire par la somptuosité et la finesse de son ornementation. Au centre de la vaste cour intérieure trône un char à quatre roues d’une conception si ingénieuse que ses roues de pierre tournaient réellement. L’ambiance calme et paisible de ce temple, entouré de mystérieuses collines granitiques, nous plonge dans un univers presque irréel.

Un fabuleux royaume oublié

L’aspect légendaire de Hampi se poursuit avec l’édification de Vijayanagar, « la Cité de la Victoire », capitale de l’un des plus vastes et des plus prospères royaumes hindous de toute l’histoire de l’Inde.

Au début du XIVe siècle, alors que les invasions musulmanes menaçaient le Sud du pays, Shiva, encore lui, serait apparu au Saint Vidyaranya, lui demandant de trouver des alliés et de fonder une ville qui porterait le nom de Vijayanagar. Aussitôt dit, aussitôt fait, Vidyaranya s’allie avec deux frères du clan des Kuruba, Harihara et Bukha. Non loin du fort d’Anegondi, encore visible aujourd’hui, les trois alliés auraient assisté à une scène étonnante : un lièvre se serait mis soudain à chasser la meute de chiens qui l’attaquaient. Voyant dans cet acte de courage un signe favorable, ils décidèrent de construire la capitale du futur empire unifié de toute l’Inde du Sud à cet endroit.

Fondée en 1336, la glorieuse cité connaît son apogée au XVIe siècle, sous les règnes de Krishnadevaraya et d’Achyutadevaraya. L’immense empire s’étendait sur les actuels Etats indien du  Karnataka, Kerala, Tamil Nadu et Andhra Pradesh, et, probablement, sur une partie du Sri Lanka. Vijayanagar rayonna par ses richesses, sa culture, sa créativité, son armée et son organisation pendant plus de deux siècles, avant d’être conquise et mise à sac en 1565 par les armées combinées des sultanats musulmans de Bijapur, Golconde et Ahmednagar.

Par la suite, les souverains défaits eurent beau tenter de restaurer la cite perdue, la dévastation fut si complète qu’ils durent abandonner la ville.

Pendant plus de 400 ans, le temps fit son oeuvre, enfouissant peu à peu la cité sous la végétation. Vijayanagar fut désertée et… oubliée ! jusqu’au XIXe siècle, où des Anglais, dont l’historien Robert Sewell, alertés par les récits de quelques pèlerins hindous, redécouvrirent le site et en firent les premiers relevés. Ce n’est finalement qu’un siècle plus tard que l’archéologue français Pierre Filliozat et son épouse indienne Vasundhara révélèrent au monde les merveilles de cette cité oubliée. Depuis 1987, les 500 édifices du site d’Hampi, répartis sur 25 km2 sont inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco.

Si le site est désormais ouvert au public, on a parfois encore l’impression de déambuler dans une jungle mythique, d’où pourraient surgir à tout moment des guerriers richement parés, à dos d’éléphants, se rendant à la cour du roi. Justement, les vestiges de la ville royale témoignent de la puissance, de la richesse et de l’ingéniosité de cet ancien royaume décrit avec emphase par des voyageurs portugais venus de Goa. Du haut du Mahanavami Dibba – une gigantesque estrade pyramidale de pierre ornée de magnifiques bas-reliefs d’animaux, de scènes de chasse ou de bataille – on contemple les plates-formes des habitations dont les murs de bois ont depuis longtemps disparus. Des grandes citernes, ainsi que les chenaux d’adduction d’eau dressés sur leurs piliers de pierre, témoignent du travail d’irrigation entrepris alors et encore utilisé par les paysans des alentours.

Et que dire de l’enceinte du Zenana, avec ses trois tours de garde protégeant le gracieux pavillon à étages du Lotus Mahal. C’est un extraordinaire exemple de l’architecture indo-islamique et qui abritait les conversations des femmes de la cour. En continuant tout droit, on arrive à un impressionnant bâtiment coiffé de six coupoles aux formes différentes : l’étable des éléphants favoris des rois qui en possédaient plus de 800, dit-on.

A l’extérieur de l’enceinte, au centre d’un superbe jardin, un autre monument de style indo-islamique, le Queen’s Bath, la salle de bain royale, abrite un immense bassin, jadis rempli d’eau fraîche, ainsi que des galeries conçues pour les danseuses et les musiciens.

Au XVIe siècle, le portugais Domingo Paes, qui séjourna deux ans à la cour de Krishnadevaraya, décrit des immenses marchés – dont les structures qui courent sur des kilomètres sont encore bien  visibles – débordant de soie et de pierres précieuses importées de Chine et de Birmanie, des courtisanes exquisément parées, des palais magnifiquement décorés et de somptueuses festivités. L’empire comptait alors jusqu’à 300 ports. Paes n’hésitait pas comparer Vijayanagar à la Rome antique ! L’or, disait-on, y coulait à flot et quand un roi revenait victorieux, il jetait des poignées de pierres précieuses à ses soldats.

Si on trouve encore de petites échoppes variées, quelques restaurants, de modestes guest-houses et des marchands ambulants près du temple de Virupaksha, le calme et la sérénité ont désormais pris possession du  site protégé de Hampi. Les connaisseurs sont unanimes : la douceur et la beauté des lieux en font une étape incontournable en Inde pour se reposer et se ressourcer. Moyennant une dizaine de roupies, il est possible de rejoindre en barque l’autre rive et de loger dans l’un des petits villages voisins, implantés au milieu de rizières, où la vie paysanne suit son cours. Dans ce décor unique, les heures et les jours s’estompent pour laisser place à des instants d’éternité, comme si Hampi avait toujours existé, immuable. Et si c’était  vrai ? Selon les géologues, ces massifs de granit existeraient depuis la formation des premiers continents sur terre, il y a trois milliards d’années !


INFORMATION PRATIQUES

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Comment s’y rendre ?

Hampi est un site difficile d’accès. On peut s’y rendre en voiture depuis Bangalore (environ 8 heures de route) ou Goa (environ 7 heures de route). Le train de nuit peut être une bonne solution. Les principales lignes, Hampi Express, Amaravathi Express et Haripriya Express passent par Hospet, petite ville proche de Hampi et desservent les villes de Bangalore, Hyderabad ou Goa.

Où se loger ?

Il existe quelques guest-houses bon marché dans le village de Hampi même. On recommande la Rocky Guesthouse, propre et confortable, pour environ 2000 Roupies (une trentaine d’euros) la nuit.

Deux coups de cœur :

Uramma Cottages : cette propriété, située sur la rive opposée de la rivière Tungabadra, dans le village historique d’Anegundi, propose de jolis bungalows, construits ou restaurés dans le respect de l’architecture et des matériaux locaux. Ils représentent un mélange unique d’hôtellerie « rurale » et de confort moderne. Une excellente opportunité d’expérimenter la vie de village à deux minutes en bateau du site d’Hampi. Le prix des cottages s’échelonne de 4500 à 6500 roupies la nuit (entre environ 50 euros et 90 euros).

Hampi’s Boulders : installé en pleine nature, au bord du fleuve Tungabhadra, dans les collines Yamini, à seulement 7 kms de Hampi, cet hôtel se fond dans les rochers qui l’entourent. Vingt cottages tout confort, avec une piscine quasi naturelle, un restaurant ouvert à la vue superbe sur le paysage environnant. Comptez environ 8500 Roupies (environ 120 euros) la nuit.

 

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