L’ONG Durbar vient en aide aux travailleurs du sexe

Lutter contre les tabous sociaux et pour la dignité humaine

Société

March 29, 2017

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Indes



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« Durbar » est un collectif organisé autour de réseaux gérés et dirigés par des travailleurs du sexe, qui se développe d’année en année pour répondre aux besoins d’une communauté de plus de 65.000 personnes

« Durbar », un collectif de travailleurs du sexe de l’Etat du Bengale-Occidental, au Nord-Est de l’Inde, veille à la protection des droits de ces laissés pour compte de la société.

Considérée comme le plus vieux métier du monde, la prostitution reste encore taboue au XXIème siècle. Dans un pays comme l’Inde, où la confusion des valeurs morales prévaut, femmes, hommes et représentants du troisième sexe engagés dans la prostitution doivent toujours faire face à l’exclusion sociale et la discrimination.

Le flou législatif indien en matière de prostitution et de ses activités annexes entretient un trafic sexuel et une violence bien réels. Le comité « Durbar Mahila Samanwaya », plus connu sous le nom de « Durbar » (« indomptable » ou « inarrêtable » en bengali) est un collectif organisé autour de réseaux gérés et dirigés par des travailleurs du sexe, qui se développe d’année en année pour répondre aux besoins d’une communauté de plus de 65.000 personnes.

Alors que la prostitution en Inde n’est pas illégale, les activités connexes le sont : comme le racolage dans l’espace publique, la pratique de cette profession dans les hôtels, le proxénétisme, les maisons closes, ou le trafic des enfants pour le travail du sexe. Les travailleurs du sexe se trouvent ainsi dans une situation désavantageuse puisqu’ils dépendent très souvent des proxénètes pour une activité soutenue et sont privés d’aucun recours juridique.

La profession, très répandue à travers l’Inde, se pratique notamment dans les grandes villes comme à « GB Road » à New Delhi, capitale indienne ; à Kamathipura à Mumbai dans le Maharastra, au Sud-ouest de l’Inde ; et à Sonagachi à Kolkata, dans le Bengale Occidental, à l’est de l’Inde.

Sonagachi, des milliers de prostitués

Sonagachi est connu comme l’un des plus grands quartiers chauds non seulement de Kolkata, mais aussi celui de l’Asie du sud, abritant des milliers des maisons closes et des prostituées, subjuguées très souvent au sexe non-protégé, et donc aux maladies graves comme le sida.

« Durbar » a été fondé par son conseiller actuel, le Dr. Smarajit Jana, et a participé, avec d’autres, au programme national de prévention du sida en 1992. « Durbar » est né dans l’un des plus importants quartiers de prostitution d’Asie du sud-est, Sonagachi, situé au nord de Kolkata, capitale du Bengale-Occidental. Le programme initial visait à distribuer des préservatifs, étape parmi d’autres de la prévention contre le sida. Comme l’explique le Dr. Jana, « Dans la réalité, l’utilisation des préservatifs dépend de la hiérarchie sexuelle. La majeure partie des travailleurs du sexe étant des femmes, elles sont considérées, de par leur sexe et leur statut économique et social, inférieures à leurs clients masculins. Cette constatation à créé l’urgence d’une mobilisation collective de la communauté pour donner naissance en 1995 à la nouvelle structure de « Durbar », devenu depuis un modèle largement suivi par la plupart des programmes d’intervention. »

Les années suivantes furent consacrées à l’éducation des enfants des travailleurs du sexe, au développement des qualités personnelles, aux activités culturelles, aux événements sportifs, ainsi qu’à l’initiation au fonctionnement financier et administratif du collectif, afin de faciliter la participation des travailleurs du sexe aux activités de l’association.

« Durbar » a également étendu sa portée pour inclure un plus grand nombre de travailleurs du sexe à travers l’état du Bengale-Occidental. « Les travailleurs du sexe qui font aujourd’hui tourner le collectif gèrent en parallèle des foyers d’accueil pour leurs enfants. « Durbar » offre également une cellule sociale à destination des femmes issues des communautés marginalisées, des femmes employées comme domestiques ou non syndiquées, ainsi qu’aux communautés indigènes », ajoute le Dr. Rana.

Un problème délicat

Le monde de la prostitution est souvent mis à l’index par les puritains et la loi en vigueur en Inde. Les travailleurs du sexe qui pratiquent cette profession, par choix ou nécessité économique, sont automatiquement assimilés aux victimes du trafic sexuel. Dans cette confusion, il devient difficile d’assurer et de faire valoir leurs droits. Et le Dr. Jana de souligner, « On ne devrait pas confondre morale et choix, ni revendication d’un pouvoir et droit d’un travailleur du sexe à revendiquer son droit sur son propre corps. Le puritanisme des classes privilégiées a du mal à comprendre que la plupart des travailleuses du sexe sont des femmes venues de petites villes ou de villages, manquant de compétences professionnelles. La prostitution leur offre une indépendance financière qu’elles ne pourraient atteindre autrement. »

Le trafic sexuel demeure une préoccupation légitime. Comme l’explique Dr. Jana, « Durbar’ tente d’évaluer les nouveaux arrivants des quartiers de prostitution par le biais d’une aide psychologique et de programmes dédiés à la lutte contre le trafic sexuel. Toutefois, un travailleur du sexe n’est pas forcément victime de trafic sexuel, et j’estime à 12 ou 14% le nombre de femmes qui en sont victimes. »

Alors membre d’une commission d’experts nommée par la Court Suprême indienne en 2011 dans un dossier lié à la prostitution, le Dr. Jana soulignait, en parlant de la législation actuelle : « Ce qui rend la question difficile, c’est que la prostitution n’est pas précisément illégale en soi, à l’inverse de toutes activités qui s’y rapportent. » Le flou législatif n’offre aucun recours à ceux qui en auraient besoin. « Durbar » se bat pour que les droits de l’Homme ou de la femme s’appliquent tant aux travailleurs du sexe qu’à un Indien lambda.

La force de l’indépendance

« Durbar » reçoit parfois des subventions du gouvernement pour son programme de prévention du VIH, ou récolte des fonds via des événements dédiés. Toutefois, la majeure partie des actions entreprises par le collectif est autofinancée. « « Durbar » tourne principalement grâce à l’autofinancement. Les femmes ont même pu envoyer l’équipe de football de leurs enfants au Danemark l’an passé », a déclaré le Dr. Jana.

Les droits des populations marginalisées, discriminées ou dévalorisées par la société, qu’une grande partie des bien-pensants voudrait ignorés, sont défendus par les travailleurs du sexe eux-mêmes. Au cours de son évolution, « Durbar » a fait montre de l’incroyable solidarité et résilience des travailleurs du sexe en trouvant le chemin de l’autonomie financière.

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